Ontologie, logique, sciences et langage
Cette brève évocation des rapports contemporains entre logique et métaphysique ne peut s'achever sans insister sur les contributions que deux autres branches de la philosophie doivent apporter à cette réflexion.
D'une part, la philosophie des sciences est directement concernée par la problématique dans la mesure où, pour définir les structures de leurs propres ontologies régionales, les sciences entretiennent avec la logique exactement les mêmes rapports que la métaphysique. Ainsi, en exploitant les formalismes déductifs de la logique contemporaine qui lui permettait de penser les phénomènes électrodynamiques, relativistes ou quantiques, la physique contemporaine a aussi trouvé dans ces systèmes formels tout à la fois les moyens et les raisons de dépasser l'ontologie substantialiste qui la caractérisait dans son paradigme newtonien. Et, bien sûr, ce qui vaut pour la physique vaut aussi pour d'autres sciences comme la biologie, qui a dû également, au XXème siècle, profondément repenser l'ontologie qui la fonde.
D'autre part, les rapports entre logique et ontologie intéressent également au plus haut point la philosophie du langage et, au-delà d'elle, la linguistique. Avec Frege et Russell, nous avions indiqué d'emblée la signification ontologique de la grammaire logique, c'est-à-dire tout à la fois de l'analyse logique des propositions et de l'étude des lois de leur composition, règles syntaxiques permettant de distinguer les expressions bien formées des expressions insensées. Avant même l'axiomatique et les éventuelles thèses d'existence qu'elle contient, la grammaire logique fixe le cadre formel de l'ontologie : l'opposition entre objets et concepts, la stratification du domaine des objets par la théorie des types logiques, etc. Comme c'était déjà le cas dans la Métaphysique d'Aristote, les « catégories » de l'ontologie semblent essentiellement déterminées par les catégories syntaxiques et sémantiques du langage qui l'exprime. Mais, au-delà de cette analyse logique, la philosophie du langage fait aussi apparaître de nombreux autres enjeux ontologiques de l'expression linguistique, comme par exemple la problématique de la distinction entre noms massifs (« confiture ») et noms comptables (« pomme ») ou la problématique des termes vagues (« jeu ») qui ne peuvent être définis par des traits fixant exactement les critères - conditions nécessaires et suffisantes - de l'appartenance à leur extension. De tels phénomènes linguistiques, dont aujourd'hui des formalismes logiques spécifiques s'efforcent d'ailleurs de rendre compte, ne sont pas de purs effets de langage ; comme le montre Quine, ils traduisent simultanément des présupposés ontologiques plus ou moins explicites.
C'est donc en définitive un champ d'investigation très large, mais aussi heureusement déjà bien balisé, qui s'offre aujourd'hui aux chercheurs et aux équipes qui entendent explorer les rapports entre logique et ontologie. A cet égard, le présent séminaire entend s'inscrire dans la continuité de travaux réalisés ces dernières années par les chercheurs de différentes universités belges, et prolonger notamment les réflexions amorcées et les résultats engrangés dans le cadre des activités suivantes :
-Colloque Logique et réalité les 7 et 8 novembre 2007 aux FUNDP et à l'UCL
-Journées d'études Alfred North Whitehead : logic, mathematics and ontology les 25 et 26 septembre 2008 à l'ULg
-Séminaire de recherches Logique et modalités en 2007-2008 à l'ULg
-Atelier de lecture de Naming and necessity de Saul Kripke en 2006-2007 à l'ULg
-Atelier de lecture de Logique des mondes d'Alain Badiou en 2006-2007 aux FUNDP
-Atelier de lecture des Principia mathematica de B. Russell et A.N. Whitehead en 2008-2010 à l'ULB, l'UCL et l'ULg
-Diverses conférences de la Société Belge de Logique et Philosophie des Sciences en 2006-2007, 2007-2008 ou 2008-2009
Ces recherches philosophiques s'appuient également sur d'étroites collaborations avec les logiciens mathématiciens belges, et en particulier dans le cadre des travaux en théorie des ensembles présentés dans le cadre :
-du Séminaire de recherche interuniversitaire de logique mathématique coordonné par l'UMH
-du colloque One hundred years of axiomatic set theory les 30 et 31 octobre 2008 à l'ULB